De réputées multinationales d’ingénierie-construction clé en main qui exercent leurs activités au Canada savent quelque chose que vous ignorez peut-être. Elles exigent que l’acier utilisé pour leur projet soit exclusivement produit ou laminé en Amérique du Nord. Elles affirment procéder ainsi en raison de la fiabilité (ou plutôt du manque de fiabilité) des matériaux obtenus à l’étranger.

Si tous les extrêmes semblent possibles sur le marché mondial, on constate toutefois que les mesures prises en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande sont bien en avance sur les normes et pratiques nord-américaines.

À l’origine, les normes de l’Association canadienne de normalisation (CSA) et de l’ASTM supposaient que les matériaux seraient produits par des aciéries nord-américaines adhérant aux principes de conformité. Cette mesure a porté ses fruits puisque les rapports d’essai d’usine ont longtemps reflété avec exactitude les matériaux produits et fournis. En cas de contestation de la conformité, les aciéries identifiaient et isolaient rapidement le produit en cause, réglant aussitôt le problème. Leur réputation et survie à long terme en dépendaient. De récentes expériences suggèrent que ces pratiques sont toujours en place.

Depuis quelques années, l’acier est cependant fourni par des usines des quatre coins de la planète, suivant les normes nord-américaines ou d’autres. Des cas graves de non-conformité, des rapports d’essai d’usine falsifiés de même que des matériaux contenant des éléments anormaux ou non contrôlés par les normes applicables semblent se répandre comme une traînée de poudre. Ce fléau touche autant les barres d’armature que l’acier de charpente. Différents pays et régions du monde ont réagi en modifiant leurs normes ou en adoptant de nouvelles. Or, l’Amérique du Nord tarde à emboîter le pas et à se doter de normes pour enrayer les problèmes majeurs de conformité des matériaux.

En raison des cas répétés et flagrants d’acier non conforme entrant en Europe, l’Union européenne a récemment adopté un régime d’attestation de la conformité (marquage CE) pour les produits de construction en acier. Ce régime est semblable aux programmes de certification mis en place au Canada par la CSA, comme celui concernant les appareils électriques. Dans l’intérêt de la sécurité publique, l’Europe a mis fin au système d’honneur. Outre le marquage CE, elle a également instauré la norme EN 1090, qui s’applique à la fabrication de l’acier.

En Australie, à la suite d’un afflux d’acier de charpente chinois conjugué à une hausse des ruptures et du fendillement des soudures, on a découvert que le matériau d’origine contenait une quantité élevée de bore. Devant l’urgence de la situation, l’Australie a publié un document technique limitant la teneur en bore du matériau d’origine, intitulé TS 103-2016, Structural steel welding – Limits on boron in parent materials. Elle a ainsi pris acte d’une réalité que n’avaient pas prévue les normes antérieures. Désormais, l’acier de construction destiné au soudage ne peut contenir plus de 0,0008 % de bore. Des mesures spéciales devront être prises pour le soudage de l’acier dont la teneur en bore dépasse cette limite. Le document TS 103-2016 est un complément aux normes sur les matériaux en vigueur en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Des cas similaires impliquant le bore ont été signalés en Europe et ont contribué à l’adoption du marquage CE susmentionnée. Comme il n’est pas courant d’ajouter du bore à l’acier de charpente, les normes n’indiquent généralement pas de limites à cet égard. Les aciéries emploient rarement cet élément d’addition en raison des coûts. Les raisons pour lesquelles les aciéries chinoises ont inutilement ajouté du bore sont ambiguës, mais pourraient découler des incitatifs offerts par le gouvernement pour encourager la production d’acier fortement allié plutôt que celle d’acier de construction abondant.

La Nouvelle-Zélande a connu des problèmes similaires à ceux de l’Australie. Récemment, après des défaillances sur des chantiers, on a établi la non-conformité de 500 tonnes de tubes d’acier certifiés par une aciérie chinoise.

Pour veiller à la sécurité publique en attendant que les normes nord-américaines rattrapent celles de l’Union européenne, de l’Australie et d’autres régions du monde, l’Institut canadien de la construction en acier exhorte les ingénieurs à suivre les recommandations suivantes :

  1. exigez uniquement de l’acier de charpente respectant les exigences CSA G40.20/G40.21 ou de l’ASTM conformément aux normes CSA S16 et CSA S6;
  2. exigez que l’acier soit produit uniquement au Canada, aux États-Unis ou dans les pays membres de l’Union européenne (y compris les boulons);
  3. exigez que le fabricant vous fournisse un rapport de traçabilité et des certificats d’essai d’usine;
  4. si vous acceptez de l’acier fabriqué ailleurs, précisez les critères suivants :

a. teneur maximale en bore de 0,0008 %;

b. essai de chaque lot d’acier pour confirmer que le matériau respecte ou excède les exigences CSA G40 ou les normes ASTM applicables, et que la teneur en bore respecte la limite indiquée au point a;

c. essai de l’acier exécuté au Canada par un laboratoire certifié ISO 17025 et doté des capacités d’essai adéquates.