Par Muntasir Billah, Ph. D., ing.
Professeur adjoint, Département de génie civil, Université Lakehead

 

Les assemblages de plaques d’assise de poteau, généralement constitués d’un élément en acier soudé à une plaque d’assise en acier reliée à la base de béton par des tiges d’ancrage et du coulis, sont couramment utilisés pour les bâtiments et autres structures.

Ce raccordement de base est l’un des composants structuraux les plus importants, qui sert de support pour le transfert à la fondation de toutes les forces et tous les moments de l’ensemble du bâtiment. La défaillance de ces assemblages de plaques d’assise peut entraîner l’effondrement du cadre entier, car elle affecte la demande de ductilité et la distribution de la force dans la structure (Grauvilardell et coll., 2005). Après le séisme de Northridge en 1994, la conception des assemblages en acier a été considérablement revue en Amérique du Nord. Toutefois, des efforts considérables ont été voués aux assemblages poteau-poutre en acier soumis à une charge sismique. En comparaison, peu d’études expérimentales et numériques ont été consacrées à l’étude du comportement des assemblages des pieds de poteau. Par conséquent, la conception d’un assemblage de pied de poteau présente plusieurs problèmes, qui ne se limitent pas à la caractérisation des exigences liées aux forces et à la déformation, à la caractérisation des capacités de déformation des composants de raccordement et des mécanismes de défaillance, et à l’élaboration des hiérarchies souhaitables pour les modes de rupture (Gomez et coll., 2010).

La plupart des études et des directives de conception précédentes portent sur la conception des plaques d’assise soumises à une charge axiale et un moment de flexion uniaxial (habituellement l’axe principal). Toutefois, très souvent, ces plaques d’assise sont soumises à un moment fléchissant bidirectionnel en raison de charges latérales comme le vent et les tremblements de terre. Les codes et lignes directrices actuels ne traitent pas de la conception de ces assemblages de plaques d’assise exposées et soumises à une charge axiale et une flexion biaxiale. Bien que les poteaux soient conçus et vérifiés sous charge axiale combinée et flexion biaxiale, seules la charge axiale et la flexion de l’axe principal sont prises en compte pour l’assemblage de la plaque d’assise. Les ingénieurs en fonction adoptent souvent des méthodes complexes par éléments finis ou conçoivent les assemblages séparément dans les deux sens, ce qui entraîne souvent une conception trop conservatrice.

À l’heure actuelle, des recherches sont nécessaires pour élaborer un guide de conception pour l’assemblage de plaques d’assise de poteau exposées soumises à une charge axiale combinée et une flexion biaxiale. L’objectif principal de ces recherches est d’élaborer des directives de conception simplifiées pour les plaques d’assise de poteau exposées sous charge axiale combinée et flexion biaxiale. Pour ce faire, les objectifs suivants ont été fixés : (i) simulation par éléments finis des plaques d’assise sous charge axiale combinée et flexion biaxiale; (ii) étude expérimentale des plaques d’assise de poteau sous charge axiale combinée et flexion biaxiale; (iii) étude paramétrique complète visant à déterminer les paramètres qui influent sur le comportement des plaques d’assise de poteau exposées; et (iv) élaboration d’équations d’interaction, de méthodes de conception et d’outils simplifiés pour les ingénieurs en fonction.

 

ÉTUDE ANALYTIQUE PRÉALABLE ET ANALYSE PAR ÉLÉMENTS FINIS

Cette étude analytique préalable est menée pour étudier le rendement des assemblages de pied de poteau sous charge axiale et flexion uniaxiale. L’objectif de cette étude analytique est de sélectionner et valider une stratégie de modélisation appropriée qui peut imiter la réponse expérimentale des assemblages de pied de poteau avec une exactitude raisonnable. Pour effectuer une étude analytique préalable, un modèle par éléments finis 3D est élaboré à l’aide de la plateforme de simulation ABAQUS. Afin de valider l’exactitude des techniques de modélisation et des modèles matériels adoptés, les résultats du modèle par éléments finis sont comparés aux résultats expérimentaux de Gomez et coll. (2010, test expérimental à grande échelle nº 1). Cet échantillon a été testé de façon limitée, sans charge axiale (gravité) et avec une dérive maximale de poteau de 10,6 %. La figure 1 compare les résultats expérimentaux et numériques en termes de force de tige d’ancrage et de dérive de poteau. La figure 1 permet de conclure que le modèle numérique élaboré peut prédire les résultats expérimentaux avec une exactitude raisonnable. La force maximale de la tige d’ancrage est de 220,12 kN et 213,24 kN pour les résultats expérimentaux et numériques, respectivement – la différence entre les deux résultats est de 3 %.

 

 

RÉPONSE DE L’ASSEMBLAGE DU PIED SOUS FLEXION UNIAXIALE ET BIAXIALE

Dans le cadre de la première phase de cette recherche, les assemblages de pied de poteau sont évalués numériquement sous une charge axiale et une flexion biaxiale combinées. La figure 2 représente schématiquement le modèle par éléments finis et les charges appliquées. Les contraintes de liaison sont fournies entre le poteau et la plaque d’assise, la tige d’ancrage, l’écrou et la rondelle, le coulis et le béton, car ils ont des propriétés monolithiques. Les interactions de contact entre les surfaces sont définies entre l’interface du coulis de la plaque d’assise, de la plaque d’assise et des rondelles supérieure et inférieure, et de la plaque d’assise de la tige d’ancrage avec formulation qui limite le glissement. Deux propriétés d’interaction différentes sont définies pour ces interactions entre les surfaces. Les données sur le contact entre les éléments sont également indiquées à la figure 2.

 

Comportement du poteau : Pour représenter la charge de gravité, une charge axiale égale à 30 % de la capacité du poteau a été appliquée comme compression axiale. Pour le chargement monotone uniaxial, une dérive latérale de 10,6 % a été appliquée le long de l’axe fort du poteau, tandis que pour le chargement biaxial, une dérive additionnelle de 4,9 % a été introduite vers l’axe faible en plus de la compression axiale. Le poteau soumis à une charge biaxiale a subi un flambement local hors plan considérable près de sa base, comparativement à un chargement uniaxial. Cette situation s’est produite en raison de la compression localisée et du manque d’épaisseur de l’âme et des ailes pour résister à la flexion de l’axe faible. La figure 3 montre que les contraintes sont concentrées près du pied de poteau lorsqu’elles sont soumises à une charge uniaxiale. Toutefois, pour la charge biaxiale (fig. 4), les contraintes sont réparties le long de la hauteur du poteau jusqu’à la moitié de sa longueur totale en raison d’un déplacement angulaire résultant de la charge bidirectionnelle simultanée. La contrainte maximale du poteau est de trois pour cent plus élevée pour la charge biaxiale que pour la charge uniaxiale.

 

Comportement de la plaque d’assise : Il est important de trouver les lignes de rupture dans la plaque d’assise des assemblages déformés. Cette tâche peut être difficile. La ligne directrice de calcul actuelle de l’AISC suppose que la ligne de rupture se forme parallèlement à l’aile du poteau. Un programme expérimental détaillé mené par Gomez et coll. (2010) a révélé que les lignes de rupture se développent en motifs inclinés sous l’effet d’une flexion uniaxiale. De même, le modèle par éléments finis a montré le développement de lignes de rupture inclinées du côté tendu de la plaque d’assise (fig. 5a) sous une charge uniaxiale. Cela peut être attribué à l’effort de traction exercé par les tiges d’ancrage, causant une flèche courbée à l’extrémité soumise à la traction. Une ligne de rupture droite est formée sous l’aile de poteau, du côté compression de la plaque (fig. 5a). Sous une charge biaxiale, la ligne de rupture est critique près de la tige d’ancrage, qui est soumise à une tension dans les deux sens de charge (fig. 5b). Il y a aussi une formation de lignes de rupture sous l’aile de poteau, sur la largeur, de l’autre côté de la plaque d’assise s’étendant jusqu’au bord de cette dernière (fig. 5b). La contrainte maximale est inférieure de quatre pour cent dans le cas d’une charge biaxiale par rapport à une charge uniaxiale, car il existe un autre comportement de compression par traction sous une charge biaxiale.

Programme expérimental planifié

Grâce au soutien financier de l’ICCA, un vaste programme expérimental sera mené pendant l’été 2020 sur six assemblages de plaques d’assise de poteaux en acier de type exposé à échelle réduite afin d’établir les méthodes de conception et les équations d’interaction pour les assemblages de plaque d’assise de poteaux sous charge axiale et flexion biaxiale combinées. Deux poteaux en acier à haute résistance et quatre poteaux à larges ailes en acier (section en W) seront soudés au centre de la plaque d’assise. La taille du poteau, ainsi que le rapport largeur-épaisseur, sera choisie de manière à prévenir l’étirement et le flambement local du poteau avant la défaillance de la connexion de base. Dans l’étude expérimentale, l’épaisseur de la plaque d’assise des poteaux en acier à haute résistance demeurera constante, tandis que deux épaisseurs de plaque de base différentes seront prises en compte pour les poteaux à ailes larges. La configuration d’essai proposée est illustrée à la figure 6.

 

 

Prochaines étapes

La prochaine étape de cette recherche en cours consiste à effectuer des études expérimentales sur les assemblages de pied de poteau sous charge axiale et flexion biaxiale combinées. Cette recherche sera essentielle pour améliorer éventuellement la conception des plaques d’assise et des tiges d’ancrage avec précision et pour économiser en cas de chargement multiaxial. Tous les échantillons ont été conçus et sont en cours de fabrication. Des essais expérimentaux détaillés seront effectués pendant l’été 2020.

 

Références

J.E. Grauvilardell, D. Lee, J.F. Hajjar et R.J. Dexter, 2005, « Synthesis of Design, Testing and Analysis Research on Steel Column Base Plate Connections in High Seismic Zones », rapport d’ingénierie structurale nº ST-04-02, Department of Civil Engineering, University of Minnesota, Minneapolis, Minnesota.

I.R. Gomez, A.M. Kanvinde et G.G. Deierlein, 2010, « Exposed Column Base Connections Subjected to Axial Compression and Flexure », rapport technique présenté à l’American Institute of Steel Construction (AISC), Chicago, Illinois.